Construire ses capacités à la résilience

Cela fait un moment que je veux écrire un article sur la résilience car on en entend beaucoup parler mais sans savoir ce dont il s’agit vraiment.

 

La résilience est un terme qui vient du latin et qui signifie rebondir.

 

Il est utilisé aussi bien dans les domaines de la physique des matériaux que dans la psychiatrie et de plus en plus, dans les champs du développement professionnel et personnel.

 

Pour les psychiatres, et en particulier Boris Cyrulnik, la résilience désigne la capacité à reprendre un développement, après avoir subi un traumatisme qui a stoppé le développement initial.  

Au départ, cela concerne donc surtout les personnes qui ont subi des traumatismes lourds et violents comme des attentats, accidents, agression, guerre...

Par extension, le concept de résilience s'est rapidement adressé aussi à ceux qui subissent des traumatismes qui sont beaucoup moins visibles mais qui sont récurrents, comme par exemple, ceux qui sont vécus dans l'enfance de façon chronique : dévalorisation systématique, atteintes corporelles récurrentes, délaissement systématique. Il peut aussi s’agir de ceux qui sont vécus, à l'âge adulte : harcèlement, burnout, emprise etc.…et font souvent l’objet d’un déni pendant de longues années.

 

 La capacité de résilience est un processus

 

Alors qu'on a longtemps cru que les traumatismes étaient nécessairement sources de pathologies psychiques, pour ceux et celles qui les avaient vécus, on s'est progressivement rendu compte que certaines personnes pouvaient reprendre une existence quasi normale. Y compris après avoir subi des traumatismes particulièrement violents et destructeurs. Tout dépendait en fait, de la dynamique dans laquelle cette personne traumatisée, était capable de s'inscrire en réaction à un accident de vie.

C’est ce que les psychiatres ont appelé la capacité de résilience. C’est une capacité très différente de la simple capacité de résistance ou de survie. Il s’agit plutôt d’un processus ou d’une dynamique. Cette capacité de résilience désigne ce qui va permettre à la personne accidentée de pouvoir, non seulement résister au choc qu’elle a reçu, mais surtout de pouvoir de nouveau se développer « normalement » sur le plan personnel et relationnel.

Les recherches sur la résilience montrent que la capacité de chacun à surmonter les traumatismes les plus graves, est plus ou moins disponible et met plus ou moins de temps à se mettre en place.  Elle dépend étroitement de la qualité des facteurs dit "de protection" dont on dispose:

 -    Le premier d'entre eux repose sur la qualité des relations affectives qui sont entretenues avec l'entourage proche. L'empathie, la bienveillance, la chaleur et l'écoute dont bénéficiera la personne fragilisée seront autant de tuteurs sur lesquels elle pourra s'appuyer.

-    Le deuxième dépend du degré avec lequel l'échec ou le traumatisme va être identifié, reconnu et accepté pour ce qu'il est. Tant qu'il y a déni, il ne peut y avoir résilience.

-    Le troisième sera lié aux émotions : Toute une partie du travail de résilience ne se fera que s'il existe un espace où les émotions peuvent être reconnues, identifiées et s'exprimer sans crainte, sans jugement et sans honte.

-   Le deuil ensuite. Le traumatisme a nécessairement cassé des choses et cela implique du renoncement.  Rien ne sera plus jamais comme avant. Ce n'est pas toujours facile de l'accepter. Mais cela est une étape indispensable pour (re) devenir capable de s'ouvrir à un nouveau développement.  

- L'état d'esprit enfin: les recherches ont montré que plus une personne savait se construire une vision positive et constructive des choses, plus sa capacité de résilience pouvait se développer. Dans ce domaine, ce que nous apporte  la psychologie positive peut donc être d'une grande aide.

 

Au total, pour que le processus de résilience puisse se mettre en place, cela suppose donc que la personne puisse aller chercher des ressources personnelles. Gustave-Nicolas Fisher, autre spécialiste de la résilience, compare ces ressources personnelles à un "ressort invisible".

 

 

La résilience comme un ressort invisible

 

J'aime bien cette métaphore. Et je me l'approprie volontiers en la visualisant avec la figure de "Jack in the box".

Je nous imagine, vivant à l'extrémité d'un ressort qui nous permet à la fois une certaine stabilité:

  • pour filer la métaphore, ce ressort a une longueur et une résistance différentes selon les personnes, il est plus ou moins solidement attaché à la "boite" et pour la plupart d'entre nous,  il permet ainsi de ne pas tomber ... ;  

ainsi qu’une certaine souplesse :

  • nous pouvons nous balancer au bout du ressort comme bon nous semble et nous adapter au grès des événements voire même, esquiver certaines difficultés...

Cela est vrai jusqu'au moment où un événement, plus impactant que les autres, nous pousse au fond du trou. Comme le jouet à ressort que l'on enferme dans sa boite. Plus de "jeu" possible, plus de souplesse ni d'adaptation, c'est l'enfermement sur soi, l'échec, la souffrance et souvent, la honte...

Une fois le coup passé, la résilience, c'est ce qui va permettre d'ouvrir la boite. Une sorte de combinaison de la force du ressort (les ressources personnelles) et du mécanisme extérieur d'ouverture (l’entourage, la bienveillance, l’espace de parole).

Autrement dit, selon la force de son ressort personnel et selon la qualité de l'aide extérieure qu’on saura aller chercher, ce sera plus ou moins long pour que la boite puisse s’ouvrir. Et on sera propulsé plus ou moins loin lorsque la boite s’ouvrira.

Dans tous les cas, en sortant du fond de la boite, on ne retournera jamais exactement là où nous étions avant de prendre un coup sur la tête. En revanche, quelque soit là d’où on repart, il deviendra possible de reprendre une vie normale voire banale, même si elle est différente. 

In fine, il restera certainement des traces mais on aura aussi acquis la certitude que ce ressort personnel existe, qu'il est pleinement capable de nous faire sortir encore et toujours de notre boite à souffrance. On aura également appris, qu'il fonctionne d'autant mieux que l'on fait appel aux autres - une forme d'espérance ou de foi en soi-même et dans les autres, chevillée au coeur en quelque sorte-.

 

La vie d’après : mythes et réalités

 

On lit souvent que la résilience induit un renouveau profond qui permet de rendre la vie plus belle. Ce n'est pas tout à fait exact et plutôt réducteur.

En cas de résilience, ce qui se passe dans la majorité des cas, c'est que La personne résiliente s'appuie sur des ressources intimes dont elle ne soupçonnait pas l'existence avant de devoir y avoir recours. Plus que la résilience entant que telle, ce sont les événements qui l'ont poussée à faire un travail approfondi sur elle-même pour pouvoir rebondir.

Être résilient implique donc généralement de mieux se connaître qu’avant l’accident de vie. Du coup, même si on ne retrouve jamais sa vie d’avant, on est amené à faire des choix personnels  plus assumés. Cette connexion avec soi-même  est également source d'une plus grande capacité à être aligné et à mettre son stress à distance. Et c’est probablement pour cela qu’on associe souvent l’idée de renouveau à la résilience. Mais cela résulte en fait plus du travail sur soi, que du processus de résilience lui-même.

 

Comment prévenir plutôt que guérir: ce que nous apprennent les recherches militaires

 

Les recherches dans le domaine de la résilience suite aux traumatismes de guerre, ont poussé les  militaires à travailler sur leur capacité de résilience pour prévenir au mieux l’impact délétère des situations de guerre.

  • Aujourd’hui, les militaires sont préparés à regarder en face les risques encourus et à savoir mieux identifier, reconnaitre, accepter et gérer leurs émotions.
  • Ils sont également formés pour acquérir une meilleure connaissance de leurs valeurs et de leurs croyances. 
  • Ils apprennent à connaître leurs réactions et notamment à gérer leur stress.
  • Ils sont entrainés pour maîtriser leur niveau de fatigue: le manque de sommeil étant un de leur pire ennemi sur le plan émotionnel comme sur celui du stress. 
  • Tout est enfin fait pour construire une appartenance solide au groupe et renforcer la qualité des relations entretenues entre les membres d'une même équipe.

Tout le monde subira un jour un événement déstabilisant ...

 

Pas courant en occident, d'être en situation de prévention plutôt que de guérison.

Pourtant tout le monde sera un jour confronté à l'échec (travail, études, amours), l'abandon ( départ des enfants, divorce..), la souffrance et le deuil ( burnout, maladies, décès..).

Travailler sur soi, sur ses valeurs et se croyances et aussi sur sa capacité à gérer ses émotions et ses angoisses est sans doute la meilleure façon de prévenir, non pas les coups durs, mais une partie de leur impact négatif sur nos vies.

C’est aussi la meilleure façon de se donner les moyens d’être capable de renouer avec un processus dynamique et positif, y compris dans les moments les plus difficiles de nos vies.

Affronter nos événements de vie en se connaissant mieux, n’évite certes pas la douleur, mais cela permet de ne pas s'enfoncer dans la souffrance et de continuer à vivre, y compris des moments de bonheur.

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