Transformer le plomb en or: une histoire de coach agacé

Blog des coachs : 

Vous est-il déjà arrivé de vous sentir agacé par le comportement de votre client lors d’un coaching?
Ça m’est arrivé ... et un jour, j’ai compris comment l’utiliser et en faire un outil au service de mon client. Ce jour là, ça s’est avéré bien plus puissant que je ne l’aurais imaginé. Et cela ne cesse de m’étonner et d’alimenter mon travail encore aujourd’hui ! 

Laissez moi vous décrire le contexte du coaching de ce jour là en quelques mots: 
J’accompagnais Nadia ( le prénom est modifié) depuis 4 ou 5 seances. Il s’agissait  d’un coaching prescrit par son entreprise dans le cadre d’une formation qui devait  lui permettre de prendre un nouveau poste. 
Nous avions  signé un contrat tripartite et j’avais pris la peine de bien distinguer avec elle ce qui était du ressort de l’objectif sur lequel elle aurait «  des comptes » à rendre à son N+1 , de ce qui était du ressort de l’objectif qu’elle s’était fixé pour elle-même (et avec moi) dans le cadre des séances confidentielles que nous avions ensemble. 
Le rapport collaboratif était plutôt bien installé mais, par rapport à d’autres accompagnements, je sentais néanmoins qu’il y avait toujours une certaine retenue dans ce que me disait Nadia. Comme si le cadre professionnel induisait un certain formalisme difficile à dépasser. 
De mon côté je m’en étais d’ailleurs ouverte à mon superviseur. Cela avait été l’occasion pour moi d’explorer de quoi étaient faites mes croyances sur l’entreprise et de conscientiser que j’étais par exemple, bien plus « pointilleuse » sur le respect des horaires et du cadre de la séance que lors d’un coaching dans le privé.... comme si j’associais l’entreprise à ( et donc que j’induisais dans le coaching ) une certaine dose de « formalisme » ... j’en avais pris bonne note et avait décidé de travailler à la mise à distance de mes croyances dés la séance suivante pour ne pas les imposer à ma cliente ...

Arrivée à la séance en question, Nadia se connecte avec près de 10 minutes de retard. Forte de ma supervision, je décide de ne pas lui faire remarquer et je commence la séance. Ce jour-là Nadia est dans sa voiture. Son smartphone vacille à chacun de ses mouvements et le son est haché car la connexion est de mauvaise qualité. 10 minutes plus tard, n’y tenant plus, je lui fais remarquer que les conditions de la séance ne sont vraiment pas très favorables à sa concentration ni à la mienne. Je lui demande s’il lui est possible de se connecter autrement pour que la séance puisse se faire dans des conditions plus confortables. Je ressens de l’agacement qui monte fortement en moi...
Elle m’explique qu’elle n’a trouvé que cette solution pour ne pas embêter sa hiérarchie ni devoir demander  la possibilité de disposer d’un bureau. Je lui rappelle alors que nous en avons discuté lors de la réunion tripartite et que son N+1 s’est explicitement engagé à lui degager du temps et lui permettre de disposer de conditions confortables pour assister à ses séances. Je lui rappelle le cadre en lui disant qu’il est important qu’elle considère ses séances comme faisant partie intégrante de sa formation. A ce moment-là non seulement je sens que je m’agace de plus en plus, mais aussi que je suis en train de passer en position haute avec un ton  qui frôle le don de leçon... En face, Nadia elle-même semble un peu interloquée par ce qui ressemble ....à des remontrances... 
Elle me propose de retourner chercher une salle et me dit qu’elle se reconnecte dés qu’elle le peut. Elle raccroche et je ne suis  vraiment pas fière à  cet instant ! ... 
Je respire et prends le temps de me recentrer sur la séance. Qu’est ce qui m’énerve tant là dedans? ... je réalise que tout se passe comme si Nadia n’accordait que peu d’importance à son coaching... je mets de côté ce qui résonne avec un vieux reste de « besoin de reconnaissance » qui traine dans un coin de ma tête pour me dire que pour elle, tout se passe finalement un peu comme si le coaching passait derrière tout le reste....
le temps passe, toujours pas de Nadia... 
je continue le travail sur moi et je finis par réaliser que tout ce que je ressens est peut-être bien le signe de ce qui est en train de se rejouer dans le coaching. .. Il m’apparaît clairement que Nadia se fait toujours passer en second comme elle le fait avec ce coaching dont elle dit pourtant qu’il est important pour elle. Je réalise aussi que lorsqu’elle est sous stress, elle a tendance à vouloir tout faire à tout prix,  quitte à le faire de travers....
Au moment où elle se reconnecte, je décide de crever l’abcès immédiatement et je  lui demande ce qu’elle pense de ce qui s’est passé. Comment elle s’est sentie quand je lui ai dit que je n’étais pas d’accord avec les conditions dans lesquelles se déroulait la séance et qu’elle a peut-être même eu le sentiment que je lui en faisais le reproche? ...
Ce jour là, visiblement soulagée par mes questions et en formulant comment elle avait eu l’impression de ne pas être reconnue malgré tous les efforts qu’elle avait cherché à faire pour maintenir la séance coûte que coûte, elle a pu toucher ses émotions, son stress, sa façon de tout prendre en charge par soucis de bien faire mais en s’oubliant elle-même  et en le faisant parfois sans tenir compte des autres autour d’elle et surtout sans jamais oser leur demander de l’aide ( il aurait par ex suffit qu’elle me demande de décaler la séance d’une demi-heure ou qu’elle demande une salle à sa N+1 pour que tout puisse se dérouler sereinement...)... 
Ce jour là j’ai compris que ce qui aurait pu être un énorme fiasco s’était transformé en or... J’ai appris que non seulement cela pouvait arriver de ressentir des émotions négatives vis à vis d’un client , mais j’ai accepté que cela puisse être « normal ». J’ai compris que mon boulot de coache n’était alors pas de me centrer sur ce que je ressentais mais bien au contraire de mettre des mots dessus pour l’utiliser POUR mon client, comme un indice de ce qui était en train de se reproduire dans l’ici et le maintenant de la séance. 
Ce jour là cela m’a aussi confirmé combien il  avait été essentiel pour moi d’avoir travaillé tout cela avec mon superviseur!

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