Posture internalisante ou externalisante: modèle ABCDE d’Ellis / prise de position de White

Le modèle ABCDE d’Ellis

Albert Ellis propose un  modele issu des approches de développement de l’Intelligence émotionnelle qu’il a nommé le modele  ABCDE

 

A comme les Actes ( Activating event ): sa démarche s’appuie sur une description et une reconstitution la plus objective possible des faits concernés. 

 

B comme  Belief,  les croyances: il cherche ensuite à determiner les croyances en jeu, à travers  l’interprétation que la personne donne de la situation

 

C  comme Consequences: Ellis invite la personne à analyser ses croyances à la lueur de leur conséquences pour elle-même. 

 

D comme Dialogue interne: Ellis présuppose en effet que certaines croyances sont inadaptées et il cherche à amener la personne à s’interroger sur la situation. 

 

 E comme Effets: le modèle ABCDE amène la personne à se questionner sur les effets que ce dialogue interne a eu sur sa compréhension de la situation et in fine, sur la façon dont  cela peut l’amener à mieux  s’adapter et à modifier ses sentiments, ses croyances et ses comportements…

 


 

Carte de prise de position de M White

Michael White, un des fondateurs de l’approche narrative propose une démarche qui pourrait, au premier regard, sembler très proche. On la retrouve décrite notamment dans son livre « maps » sous le nom de carte de prise de position (et synthétisée par Catherine Mengelle dans le wiki des pratiques narratives ).

 

1) Nommer le problème :

Dans son approche, White propose de travailler à une définition du problème qui s'éloigne le plus possible d'une étiquette ou d'un diagnostique. Il cherche à ce que le nom du problème soit construit à partir du vécu de la personne et décrit avec des mots qui expriment le mieux ce que ressent la personne.

Pour  White nommer le problème avec ses mots contribue à permettre à la personne d’envisager le problème comme une sorte de personnage extérieur à elle-même et de pouvoir en décrire les agissements.

 

2) Explorer les agissements du problème :

  •  Quand « difficulté » apparait-elle?
  • Comment «problème » s’y prend-il pour s'imposer à vous? etc..

Poser ces questions faussement naïves tout en utilisant le nom du problème, renforce son externalisation.. Cela permet à la personne d’en explorer les conséquences sur sa vie et sur celle des autres sans (trop) culpabiliser ni être (trop) prise par ses propres émotions. Cela  lui permet  surtout de pouvoir retrouver sa capacité de jugement et de décision

 

3) Évaluer les conséquences du problème

Plus le problème est perçu comme une entité extérieur, plus cela encourage à travailler sur les relations qui sont entretenues avec ce problème. Or ces relations sont aussi le produit du contexte dans lesquelles elles sont vécues.

 

4) Redevenir capable de prendre position et de justifier son évaluation

Externaliser les problèmes pour M White,  c'est finalement redonner la possibilité et inviter la personne à prendre position vis à vis des « agissements » du problème et de leurs conséquences. Elle peut aussi le faire vis à vis du contexte dans lequel ce problème existe. En l’invitant à justifier sa prise de position,  la personne peut dès lors, retrouver une place d’acteur à part entière. Elle retrouve sa capacité de décider et d’agir à partir de ce qui est important pour elle, sans plus subir l’histoire d’un problème qui lui est imposée malgré elle …

 

Posture internalisante et posture externalisante

On pourrait  dire que les démarches d'Ellis et de White sont proches car elles intéressent toutes les deux aux Faits. 

 

Mais le premier présuppose une « réalité objective » des faits à laquelle la personne doit mieux s'adapter. Etre accompagnée lui permettra d’y arriver. 

 Le deuxième s’intéresse lui, à redonner toute sa place à la réalité subjective de la personne, c'est à dire aux faits tels qu’ils sont ressentis par la personne. L’accompagnement lui permettra juste de prendre conscience de ce qu’il sait pour lui-même mais qu’il a oublié ou  négligé…

 

Regardons dans le détail comment Ellis et White proposent de travailler :

 

De son côté Elis adopte une posture internalisante proche de celle de la psychanalyse et de la psychiatrie : il s’appuie sur des modèles théoriques qui classifient et décrivent chaque  «pathologie ». 

 

Ces modèles théoriques considèrent que les pathologies  sont essentiellement  liées à la façon dont la personne perçoit son environnement et dont elle agit. Ils présupposent donc qu'il est nécessaire qu’elle change son fonctionnement interne afin de mieux s’adapter et ainsi de moins souffrir. 

Par conséquent, avec son modèle, Ellis en présupposant que les personnes ont tendance à s’éloigner des faits, considére que c’est le  thérapeute  qui sait objectivement ce que sont ces faits .  Le rôle du thérapeute sera donc d’aider ses clients à se débarrasser de leurs «fausses » croyances( étape B) afin de pouvoir formuler une interprétation “plus objective” de la situation.  Il cherchera enfin, à leur permettre de prendre conscience des effets de leur problème en terme d’émotions, de sensations et de comportements ( étape C).

 

Inversement M White, comme plus largement les thérapeutes qui utilisent des approches systémiques (auxquelles se rattachent les pratiques narratives ), estime qu’il n’existe pas de réalité en dehors de la réalité subjective. Autrement dit, seule la personne sait pour elle-même et elle seule connaît les faits qui composent sa réalité.

Il adopte en outre une posture proche de celle des anthropologues. C’est à dire qu’il ne cherche pas à savoir de quelle pathologie souffre la personne mais il s’interroge au contraire, sur le sens des comportements. Or ce sens dépend étroitement du contexte dans lequel vit la personne. White s’intéresse donc surtout aux relations que la personne entretient avec son environnement et inversement, à la façon dont le contexte peut avoir un impact sur ce que ressent la personne.

C’est cette posture externalisante que nous rappelle M White quand il nous dit que « Le problème est le problème, la personne est la personne ».

 Enfin, il présuppose aussi, que certains des faits bien que vécus et ressentis , ont pu être délaissés voire oubliés par  la personne.  C’est donc en les amenant à prêter attention aux événements négligés et à les réintégrer dans leur vision de la réalité, qu’il leur permet de retrouver le pouvoir de choisir ce qui est le mieux pour eux.

 Le travail ne s’arrête donc pas à permettre à la personne de prendre position face à l’histoire de problème qu’elle subit. Au contraire, remettre le problème à sa place, c’est donner la possibilité à des événements de vie enfouies dans les tréfonds de la mémoire, et qui n'avaient donc aucune valeur jusque-là, de revenir à la lumière. Pour les narratifs c’est ce qui ouvre la porte à  l’émergence de nouveaux récits de soi, plus conformes à ce qui a du sens et est important pour la personne et qu’ils appellent volontiers  l’ «histoire  préférée ».

 

Clarifier sa posture d'accompagnant ...

En conclusion, on a ici une illustration assez parlante de ce qui peut se jouer en terme de posture dans la relation d’accompagnement. 
Même si le coaching nous conduit à avoir une démarche intégrative et que la richesse de notre pratique tient à notre capacité à utiliser différents outils et protocoles en fonction de nos clients, il n’en reste pas moins essentiel de clarifier la posture professionnelle avec laquelle nous sommes les plus alignés.
Nous sommes très nombreux à utiliser, par exemple, l’arbre de vie comme un outil au service de nos clients. Mais il est très différent de l’utiliser avec une conscience claire de la posture externalisante auquel il se réfère à l’origine* ou de l’utiliser comme un des  supports possible dont on dispose dans sa boîte à outil internalisante… Il est en effet important de comprendre aussi à quel point et pourquoi les effets et les conséquences seront sensiblement différents pour la personne que l’on accompagne.
Même si j’ai fait mes propres choix, l’objectif  n’est certainement pas ici, d’affirmer qu’une posture est a priori meilleure qu’une autre. Ce qui me semble essentiel en revanche, est que les accompagnants cherchent à clarifier non seulement celle qui leur correspond le mieux en terme de valeurs, mais aussi celle qu’ils adoptent le plus spontanément ( et qui n’est pas toujours si alignée que ça avec ce qu'ils sont vraiment) voire celles qu’ils ont apprise. Il n’est pas rare, a fortiori en début de carrière, que tout cela ne soit pas si clair. Pourtant, c’est un travail passionnant à faire pour soi en tant qu’accompagnant, mais très riche et profitable aussi ( voire indispensable) pour les clients que l’on accompagne. 
De belles séances de supervision en perspective !! 😉









* décrit notamment par D Denborough therapeute Narratif australien et en France  par Dina Scherer presidente de la Federation francophone des praticiens narratifs.




Gaëlle Le Buzullier 

Sociologue, coache et superviseure certifiée 

Praticienne narrative .

gaelle.le-buzullier@labdecoachs.fr


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